Un concurrent attaque votre marque en référencement naturel, comment réagir?

Interview de Maître André Maillassoux (ATM Avocats) et Maître Rémi Chavaudret (SCP Alain SARAGOUSSI et Rémi CHAVAUDRET,  Huissiers de Justice Associés)

Avec la montée en puissance de l’internet marchand, les marques sont des cibles et le terrain de jeu est international.

Certaines sociétés n’hésitent pas à se positionner en référencement naturel sur les marques de leurs concurrents. Ce type d’ « attaque SEO » permet d’apparaître dans les résultats des moteurs de recherche lorsqu’un client cherche le nom de la marque d’un concurrent. C’est une façon efficace mais frauduleuse de « piquer » des clients à son concurrent. Notre agence SEO peut vous prémunir et vous protéger contre ces différentes attaques de negative SEO.

Comment réagir si votre société est victime d’une attaque similaire ?

En 2011 nous avons été approchés par Maître Meillassoux, associé du cabinet ATM Avocats. Son client est une société française n°1 Européen sur son marché qui a vu le site de son concurrent anglais apparaître en 2ème position dans les résultats naturels de Google quand il cherchait le nom de sa marque et ceci aussi bien sur google.fr, google.co.uk, google.com que google.it.

 

Maître Meillassoux, quelle stratégie de défense avez-vous mise en place pour votre client ?

Après avoir réalisé les recherches préalables permettant de confirmer qu’une « attaque SEO » avait bien eu lieu à l’encontre de notre client, nous avons fait quelques investigations à notre niveau et nous avons pu retrouver des traces suspectes, l’existence effective de « backlinks » frauduleux et, à notre surprise, le fait que leur auteur non seulement ne s’en était pas caché, mais citait son identité sur certains sites de backlinking, comme créateur des liens.

Ces liens contrefaisants ont pour effet de distordre la concurrence sur les réseaux. Si on peut admettre le fait qu’on puisse faire du référencement payant, il est choquant qu’un concurrent puisse fausser, de manière a priori non décelable, le référencement naturel des entreprises, en utilisant, pour ce faire, leurs marques et tout autre signe distinctif, comme leur nom commercial ou leur nom de domaine.

Nous avons donc adressé des mises en demeures de cesser ces pratiques au concurrent de notre client, à son prestataire, ainsi qu’aux différents prestataires de services ou techniques qui pouvaient être concernés comme les sites de backlinking ou leur hébergeur.

En dépit de nos exigences de suppression immédiate de tous, ils ont tergiversé.

Le préjudice est important, d’autant que la suppression des liens illicites, à supposer qu’on l’obtienne, n’entraîne pas de facto le déréférencement naturel du site du concurrent. Il faut pour cela mettre en œuvre des moyens techniques dont les effets sont limités et n’opèrent qu’à long terme.

Nous avons donc été contraints d’assigner ces sociétés en contrefaçon, en concurrence déloyale, en parasitisme et sur le fondement des pratiques commerciales déloyales devant le Tribunal de Grande Instance de Paris et l’affaire est aujourd’hui en cours.

Sur le fond, il n’existe pas ou peu d’affaires qui ont jugé de la problématique particulière des procédés de « backlinking », qui permettent de fausser, par des moyens techniques assez faciles à mettre en œuvre, le référencement naturel (résultat censé être pertinent au regard de la requête).

Cette problématique est différente de celle du référencement payant (annonces commerciales) qui a donné lieu à un contentieux abondant, et au final, à des décisions contestables de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).

Celle-ci en effet a jugé que le titulaire d’une marque ne peut interdire que celle-ci soit utilisée par des tiers non autorisés, dans des services de référencement payants, type AdWords, que si cette utilisation porte atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque (CJUE, 23 mars 2010, Google et Google France) ou à sa fonction d’investissement (CJUE, 22 septembre 2011, Interflora).

La CJUE a aussi jugé qu’en prêtant son concours à de telles pratiques et alors même qu’il vend aux enchères au plus offrant, la marque déposée, comme outil de référencement vers des sites autres que ceux du titulaire, la responsabilité du prestataire d’un service de référencement payant, (en l’espèce GOOGLE) ne pouvait être engagée à moins de démontrer que celui-ci avait pris une part active dans la rédaction de l’annonce illicite ou qu’informé, il n’ait pas agi diligemment pour la rendre indisponible. Par cette décision, la CJUE a donc considéré que le prestataire d’un service de référencement payant, en ligne, était un hébergeur, qui, comme on le sait, bénéficie d’un régime spécifique de responsabilité.

Certains ont alors pu écrire que la CJUE avait brisé le monopole du droit des marques. Même si ce n’est pas tout à fait vrai, elle en a restreint la portée, dans le souci de favoriser la concurrence.

En matière de backlinking, le consommateur est volontairement trompé sur le résultat de sa recherche. Il pense que sa requête va lui permettre d’accéder à des réponses en adéquation avec sa demande. Mais sa recherche est faussée par l’action de concurrents déloyaux, qui cherchent à profiter de la notoriété du titulaire de la marque, pour bénéficier indûment d’un meilleur positionnement et donc d’une plus grande visibilité sur Internet.

Il s’agit donc de préserver les intérêts des entreprises victimes de ces actes mais également ceux des internautes en quête de résultats pertinents et objectifs.

 

Vous nous avez mandatés pour réaliser un audit technique, que vous a-t-il apporté ?

Etant des avocats spécialisés dans les nouvelles technologies, nous sommes souvent confrontés à ces problématiques. Mais nous ne disposons pas de moyens techniques pour collecter la preuve technique des agissements illicites ainsi causés. C’est là que votre société Semji, qui a développé des solutions logicielles permettant de collecter très rapidement les liens illicites et autres backlinks dans les méandres du Net, nous a été d’un grand secours.

En l’espèce, seule une société spécialisée, disposant des outils adéquats, pouvait nous fournir la preuve technique de l’existence et de l’ampleur des fraudes au référencement naturel.

Nous avions découverts quelques liens, mais vos outils nous ont permis de constater une offensive de plus de 700 backlinks, ayant comme « ancre » ou point de référence le nom de notre client et au total, plusieurs milliers de backlinks, détournant vers son site les recherches faites sur le nom d’autres concurrents.

Il s’agissait donc bien d’une action frauduleuse systématique, avec une intention déloyale caractérisée, justifiant complétement notre action en justice.

Afin de faire constater les « backlinks » du concurrent anglais, nous avons fait appel à Maître Chavaudret, huissier de justice.

 

Maître Chavaudret, quelles ont été les particularités de cet audit ?

Comme pour chaque constat, et notamment ceux que je réalise sur Internet, je m’attache à retracer parfaitement dans le procès verbal le cheminement utilisée pour établir la preuve du fait allégué.

En l’espèce, sans une méthodologie spécialement pensée, constater l’existence de 700 backlinks aurait conduit à constater 700 pages, puis leurs sources, et au sein de ces sources, les ancres litigieuses. Je ne renonce jamais, mais le sommet était loin.

Vous m’avez suggéré d’utiliser l’outil Google Doc afin d’extraire grâce à une fonction adaptée de la feuille de calcul des portions de code des pages listées.

Cette méthode était à la fois transparente, puisque j’utilisais un outil libre, et systématique. Elle a permis d’obtenir rapidement, et de façon probante, le résultat recherché.

Couplée à une vérification ponctuelle et aléatoire de l’exactitude des résultats obtenus, j’ai pu réaliser un constat très technique, qui m’a fait revenir à mes premières amours algorithmiques. Un retour aux sources en quelques sortes.

 

Maître Meillassoux, que recommanderiez-vous à une société victime d’une attaque SEO sur sa marque ?

A notre sens, il est nécessaire d’être très proactif et d’agir vite. Dans une économie globalisée, protéger sa visibilité sur Internet est une nécessité vitale.

Nous privilégions une approche amiable avec les auteurs des backlinks, s’ils sont prêts à coopérer.

Mais il s’agit d’être sérieux quant à la question de la réparation du préjudice. Le backlinking a des effets durables, même lorsque les backlinks ont été supprimés. Le site du concurrent peu scrupuleux peut continuer à occuper un rang élevé en référencement naturel, sur la marque de son concurrent, pendant plusieurs mois.

En premier lieu, il s’agit donc pour l’entreprise fautive de financer les mesures techniques pour supprimer les backlinks ou « liens arrières » mais également pour en contrecarrer les effets a posteriori, notamment en mettant en place de nouveaux liens qui optimiseront, en sens inverse, les résultats du référencement naturel, mais cette fois, en faveur de l’entreprise victime.

Il s’agit ensuite d’offrir une juste compensation financière.

Là, de nouveau, un rapport fait par un prestataire spécialisé, permet de mesurer l’ampleur des dégâts. Souvent, le préjudice est minimisé et les sociétés ne mettent pas encore les moyens techniques pour tracer les actions frauduleuses sur internet (difficulté technique et coût de la collecte de la preuve) et il n’y a pas encore eu beaucoup de jurisprudence en la matière.

Ceci est en train de changer. Il y a une prise de conscience de l’importance de l’image véhiculée sur le net. Le préjudice peut être considérable et une impunité risque d’encourager les concurrents déloyaux.

Nous espérons donc une décision exemplaire et des avancées du droit en la matière. Il faut mettre un terme à ces agissements qui faussent le droit à l’information des internautes, qui portent atteinte aux signes distinctifs et à l’image de marque des victimes et qui permettent à des tiers de profiter indûment de leur notoriété et de leurs investissements en communication sur le net.