Notation des entreprises par les salariés : risques et opportunités

Lancé en 2008, le site Glassdoor s’est fait un nom en permettant la notation des entreprises par les salariés. Fort de son succès, Glassdoor s’est installé depuis le 14 octobre dans le paysage numérique français. L’entreprise dispose d’une forte puissance économique qui devrait quelque peu changer la donne chez les tenants de la communication d’une entreprise « parfaite ». L’occasion d’interviewer Joe Wiggins, expert Carrière et Conditions de Travail chez Glassdoor.

Véritable rouleau compresseur, Glassdoor est amené à affronter Monster, Keljob ou Régionsjob, pour devenir à terme le premier site de recherche d’emploi en France. Pour le lancement, plus de 100.000 offres d’emploi sont proposées, assemblées auprès de plateformes de recrutement partenaires, de journaux ou directement sur les sites des entreprises.

Les demandeurs d’emplois peuvent se renseigner sur le salaire qu’ils peuvent avoir, le déroulé de leur entretien ou le nombre de jours de RTT en cas d’embauche.

Les employeurs de leur côté peuvent savoir comment les collaborateurs perçoivent leur entreprise. Ils peuvent également connaître l’attraction de leur marque employeur, c’est-à-dire l’image de leur société à l’égard de la cible des employés ou salariés potentiels. L’occasion de voir les profils des internautes qui les recherchent. Ou de se comparer aux autres entreprises, par exemple pour s’aligner sur les salaires.

Ces notations s’effectuent de la part des salariés ou des collaborateurs sous couvert d’anonymat. Pour inscrire un avis, la personne doit donner une adresse mail vérifiable ou bien ses identifiants Google Plus ou Facebook. Un contrôle de Glassdoor a lieu avant publication.

Questions à Joe Wiggins, expert Carrière et Conditions de Travail chez Glassdoor

Joe Wiggins Glassdoor notation entreprise par salariés © Joe Wiggins, expert Carrière et Conditions de Travail chez Glassdoor

Pourquoi avoir choisi la France comme première zone d’expansion non anglophone ?

Les données présentent sur Glassdoor viennent de partout dans le monde, même s’il est simple de les trier par zone géographique. Il n’est pas nécessaire que Glassdoor ait une plateforme dans un pays pour que des employés y laissent des avis.

Dans ce cadre, la France est un des pays à avoir été le plus actif sur Glassdoor. Les Français nous ont presque forcé la main ! Avant même le lancement, il y avait plus de 15 000 avis venant de France sur 3000 entreprises.

Comment gérez-vous l’anonymat des contributeurs ?

Toutes les données présentes sur Glassdoor sont anonymisées. Les données personnelles pour la création d’un profil ne sont jamais dévoilées et une équipe de modération scrute chaque avis posté pour éviter la diffusion de données sensibles ou qui permettraient une identification.

Même les données numériques comme les salaires, sont anonymisées ! Par exemple si vous témoignez recevoir un salaire de 2256 € au poste d’Ingénieur dans une entreprise, il sera affiché sous forme d’une fourchette « qu’un ingénieur touche entre 2045 et 2520 € dans cette société ».

Notation des entreprises par les salariés : un risque pour l’entreprise ?

Pour les ressources humaines et les équipe de communication interne, toujours désireuses de montrer la société sous son meilleur jour, les sites de notation posent un réel souci. La parole critique n’est pas toujours bien accueillie dans les locaux d’une société. Evoquer les problèmes de salaires de Jean-Claude, les disparités salariales entre la gente féminine et masculine, ou le manque de finesse du management, n’est pas toujours bien perçu. La marque employeur préfère communiquer sur le répertoire des salariés au sourire permanent, au dynamisme sans faille, à l’épanouissement total. Les autres éléments sont généralement passés sous silence.

Cette poussée d’urticaire qui semble caractériser la réception de critiques négatives a ainsi amené la fin de sites de notation d’entreprise  en France. C’est le cas du défunt wwww.notetonentreprise.com, les créateurs ayant reçu une avalanche de procès pour diffamation et récemment un procès pour défaut de mentions légales. Le site cotetaboite.com, quant à lui, qui proposait une notation sur quatre critères principaux (poste, encadrement, ambiance et cadre du travail et rémunération) a également disparu.

Joe Wiggins Glassdoor notation entreprise par salariés © Joe Wiggins, expert Carrière et Conditions de Travail chez Glassdoor

Comment expliquez-vous la frilosité des français jusque-là pour noter leur entreprise ? Être noté par sa hiérarchie fait partie de notre culture du travail. L’inverse n’a été rendu possible que récemment avec l’arrivée des nouveaux outils numériques, qui permettent de déposer des témoignages anonymes et leur traitement.

Ces nouvelles pratiques viennent souvent des pays anglo-saxons. Elles demandent peut-être ici, un plus long temps d’adaptation.

Mais les choses changent et une étude réalisée récemment pour Glassdoor dans plusieurs pays d’Europe montre que 63% des employés français accepteraient de communiquer sur leur salaire anonymement quand ils ne sont que 51% de britanniques et 45% d’Allemands.

 

D’autres sites perdurent encore. C’est le cas de meilleures-entreprises.com, qui permet de noter sur cinq étoiles l’ambiance au travail, la fierté par rapport aux produits ou service de la société, ou encore la confiance accordé. Viadeo permet également aux salariés de noter leur entreprise sur sa plateforme.

notation sur meilleures-entreprises.com Aperçu du système de notation sur meilleures-entreprises.com

Notation des entreprises par les salariés, quelles opportunités ?

Alors, Glassdoor et son système notation des entreprises par les salariés, futur cauchemar des RH ? Pas forcément. Il semble dans un premier temps qu’en France, pays reconnu pour son sens de la critique négative, les contributeurs ne s’adonnent pas au bombardement systématique de leur entreprise. La moyenne des notes des sociétés est de 3,3 sur 5.

Deuxièmement, Glassdoor peut créer un « 360 degrés numérique » pour l’entreprise. Cette méthode est utilisée en interne par les DRH ou par un consultant extérieur pour faire évaluer les comportements d’un salariés par les différents acteurs (supérieur hiérarchique, collaborateurs, ses subordonnés, clients…) avec lesquels il est en relation dans l’entreprise, à des fins d’évaluation ou d’autoévaluation. Les données mentionnées dans Glassdoor constitueraient un terrain fertile pour avoir un retour sur la société, sur ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins, et offriraient des pistes d’amélioration. Cela devient un véritable outil pour développer l’employee advocacy sur Internet.

Ensuite, pour certains, Glassdoor aura le même impact que TripAdvisor a eu dans le secteur de l’hôtellerie, dont les contenus sont bien référencés dans les résultats du moteur de recherche de Google. Ainsi, les entreprises devraient adopter et encourager l’écriture des avis. Que ce soient des avis positifs ou négatifs, ceux-ci peuvent propulser l’entreprise dans les résultats des moteurs de recherche. Or, apparaître sur la première page de Google n’est pas négligeable pour une entreprise.

Comme conseils, il ne faut pas hésiter à viraliser une critique positive sur les réseaux sociaux. Cela pour promouvoir l’entreprise et donner plus de dynamisme à ses réseaux sociaux. Un commentaire négatif de son côté doit être pris pour ce qu’il est : une opportunité pour améliorer certains points dans l’entreprise.

Les commentaires permettent ainsi d’avoir un retour permanent sur ce qui est dit sur l’entreprise. Grâce à ces commentaires, les candidats passés par Glassdoor, mieux informés, resteraient plus longtemps dans la société.

Notation des entreprises par les salariés : vers la fin de la notation unidirectionnelle ?

Jean-Christophe Anna, conseil et formation en Recrutement innovant, voit à l’avenir les entreprises publier directement sur leur site les commentaires de collaborateurs ou de candidats. Et pourquoi pas dans un second temps la mise en place une évaluation dans les deux sens : le collaborateur ou le candidat qui évalue l’entreprise mais également l’entreprise qui évalue le candidat ou le collaborateur ?